‘’Pulchérie’’
(1672)
Comédie héroïque en cinq actes
L'empereur Théodose étant mort, Pulchérie, qui
est destinée à monter sur le trône, veut pour époux Léon, un jeune Romain
qu'elle aime et dont elle est aimée. Le sénat se garde d'approuver un tel
projet, car il juge Léon incapable de remplir les devoirs qui lui
incomberaient. Toutefois Martian, un vieux ministre de la Cour qui aime la
princesse, mais que son âge oblige à dissimuler ses sentiments, se montre
favorable au choix de la future impératrice. Le sénat investit la souveraine de
ses nouvelles fonctions et la met en demeure de donner au peuple romain un
empereur qui soit digne de lui. « Je suis impératrice et j'étais Pulchérie »,
dit la princesse, résolue à sacrifier son amour pour Léon ; elle offre l'empire
au noble et généreux Martian. Léon épouse la propre fille de Martian, qui était
éprise de lui, et il est élevé au rang de Premier ministre.
Commentaire
Dans la Préface de ‘’Pulchérie’’ son
avant-dernière pièce, Corneille écrivit que, bien qu'elle ait été jouée par des
acteurs peu estimés (elle n'avait été acceptée ni par l'Hôtel de Bourgogne ni
par Molière et fut créée à Paris en 1672 sur la scène du théâtre du Marais),
«bien que ses caractères soient contre le goût du temps, elle n'a pas laissé de
peupler le désert, de mettre en crédit des acteurs dont on ne connaissait pas
le mérite, et de faire voir qu'on n'a pas toujours besoin de s'assujettir aux
entêtements du siècle pour se faire écouter sur la scène». La stratégie
antiracinienne ne pouvait être plus clairement affirmée. En choisissant un
sujet dans lequel l'héroïne était une impératrice passée à la postérité pour
une sagesse et une dévotion dont sa virginité était devenue le symbole, dans
lequel les tendresses du cœur sont étouffées par les nécessités d'un amour tout
politique et platonique, dans lequel enfin le seul véritable frémissement
amoureux (et contenu) est celui que ressent un vieillard, Corneille savait
qu'il s'adressait au public de la vieille génération, à même d'être ému par des
amours sages et politiques. Un public réduit, qui pouvait faire un succès, mais
n'assurait plus de triomphe, à la différence de la masse de ceux qui couraient
pleurer au spectacle des passions fatales des héros raciniens. N'en doutons pas
: comme beaucoup d'autres pièces de Corneille, ‘’Pulchérie’’ a été conçue comme
un défi et une gageure. Mais pour un homme qui avait déjà exploré toutes les
voies offertes à son sens de l'innovation, la marge était bien étroite. À la
considérer ainsi comme un cas limite, la pièce peut être considérée comme une
réussite en son genre.
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