“La Place
royale ou L’amoureux extravagant ”
(1634)
Comédie en
cinq actes et en vers
Alidor
aime Angélique et celle-ci le paie de retour, au grand regret de Phylis qui
voudrait lui faire épouser son frère Doraste. Mais Alidor avoue à son ami,
Cléandre, qu'il est effrayé à la pensée de se lier pour la vie. En vue d'éviter
le mariage, il imagine de lui céder Angélique ; il s'arrange donc pour faire
croire à sa fiancée qu'il lui est infidèle, la pousse à bout par ses
impertinences, se fait volontairement congédier. Mais là-dessus il apprend que,
grâce à Phylis, c'est Doraste qui est en passe de profiter de la situation pour
épouser Angélique ! Ce n'est pas là son fait : il entend que les choses se
passent comme il l'avait décidé et qu'elle épouse Cléandre. Il dresse donc de
nouvelles batteries, va trouver Angélique et se montre cette fois si persuasif
et si charmeur qu 'elle lui accorde, sans trop de peine, un rendez-vous pour
minuit. à l'issue du bal que donnera chez elle Doraste. Il compte ainsi
l'enlever, mais au profit de Cléandre. Quand elle paraît au rendez-vous
nocturne. il lui remet une promesse de mariage qu'elle va déposer dans sa
chambre pour rassurer ses parents. avant de revenir pour suivre le ravisseur.
Mais. dans l'intervalle, Phylis, inquiète de son amie, sort aussi sur la place
et c'est elle que Cléandre, impatient et trompé par l'obscurité, enlève ! Au
dénouement, ils acceptent tous deux de profiter de la rencontre et s'épousent.
Cependant, la pauvre Angélique découvre que la promesse de mariage était signée
de Cléandre et qu'elle a été jouée par Alidor, qui l'aime encore et voudrait le
lui dire ; elle le chasse avec horreur et va s'enfermer dans un couvent, tandis
qu'Alidor s'applaudit plus que jamais de ne la céder à personne et de rester
libre.
Commentaire
Cette
pièce, la sixième du théâtre de Corneille, créée au théâtre du Marais entre
août 1633 et mars 1634, se plaçait au terme du cycle de ses comédies de
jeunesse et précédait ses débuts dans le genre tragique. L'intrigue est la plus
éloignée des schémas pastoraux sur lesquels étaient construites les quatre
premières comédies. Si elle constitue
cependant une nouvelle variation sur le thème de l'éblouissement amoureux des
bergers, elle se clôt sur un étonnant refus du bonheur pastoral.
Cette
comédie renferme trois personnages originaux.
D'abord
Phylis, enjouée, frivole, qui se plaît à traîner après elle de nombreux
adorateurs et à les rendre jaloux l'un de l'autre, quitte à épouser joyeusement
celui que le hasard des événements aura conduit jusqu'au mariage.
En face
d'elle, Angélique est au contraire une pathétique figure d'amoureuse : en
dehors d'Alidor, rien n'existe pour elle. Aussi la trahison de ce dernier la
laisse-t-elle désemparée ; si elle consent à se promettre à Doraste, c'est
surtout grâce à l'habileté de Phylis qui sait à l'instant profiter de son
désespoir; mais à peine Alidor reparaît-il qu'elle se rend à ses belles paroles
et consent à l'enlèvement. Sa nouvelle tromperie est pour elle le dernier coup
: elle sent qu'il est indigne d'elle, mais elle se voit elle-même indigne de
Doraste qu'elle a trahi : le cloître sera son refuge.
Le
personnage le plus singulier est celui d'Alidor : «amoureux» puisqu'il aime
sincèrement Angélique, «extravagant» puisqu'il veut se dégager de cet amour
partagé, afin de sauvegarder un bien qui lui semble plus précieux encore : son
indépendance morale. Il accepterait d'aimer si cet amour était le fruit d'un
libre choix. Angélique étant «trop belle», il se voît «dominé» par elle,
esclavage qu'il juge déshonorant. C'est pourquoi il s'en détache, avec trop de
brutalité d'ailleurs. Mais c'est l'indice de ses tourments, de la situation
fausse dans laquelle il se trouve. Car, à peine séparé de sa maîtresse, il lui
revient : il entend encore la dominer, ne la céder qu'à un rival de son choix.
C'est pour ce rival, pense-t-il, qu'il la reconquiert : est-ce absolument sûr?
Du moins son cœur bat-il bien fort au moment de cette reconquête... Au dernier
instant n'a-t-il pas encore vers elle un grand élan de tendresse passionnée? C'est
le dernier feu : puisque Angélique est à Dieu, et à Dieu seul, il peut se
raffermir une fois de plus à la pensée de son triomphe : il est libre, il a
fait ce qu'il a voulu... Cet amoureux extravagant, chez qui les déchirures du
cœur se font plus profondes du fait de sa malheureuse volonté, est le premier
héros volontaire du théâtre cornélien.
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Distingué
par Richelieu, Corneille reçut une pension et entra dans «la société des cinq
auteurs» qui, pour illustrer la scène française, travaillaient sous les ordres
du cardinal qui proposait les sujets. Ainsi, il participa à l’écriture de “La
comédie des Tuileries”. Il publia alors sa première tragédie
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