martes, 26 de abril de 2016




“La suivante”
(1633)

Comédie en cinq actes et en vers

Théante, l'ami d'Amarante. une suivante, aspire à l'amour de la maîtresse de celle-ci, Daphnis. Aussi, à la fois pour se débarrasser de la donzelle et pour occuper un éventuel rival, tente-t-il de rapprocher Florame et Amarante. Mais, si Florame assiège fort galamment la suivante, il n'en perd pas pour autant de vue Daphnis qui, depuis qu'il fréquente Amarante, lui est devenue plus accessible. Les joutes amoureuses qui se succèdent entre Amarante et ses deux feints courtisans, Florame et Théante, se compliquent encore de la passion sénile qu'éprouve Géraste, père de Daphnis, pour la sœur de Florame. Cette passion devient l'objet d'un marchandage, qui n'intervient pas peu dans la victoire de Florame, encore que Daphnis n'ait jamais aimé que lui. Tout s'arrange le mieux du monde, sauf pour la malheureuse suivante, abandonnée de tous ses galants, et qui soupire dans le monologue qui conclut la pièce :       
                   «Mon cœur n'a point d'espoir dont je ne sois séduite.
                   Si je prends quelque peine, un autre en a les fruits ;
                   Et, dans le triste état où le ciel m'a réduite,
                   Je ne sens que douleurs, et ne prévois qu'ennuis.»

Commentaire

Corneille, qui avait innové dans ‘’La galerie du palais’’ en remplaçant le traditionnel personnage de la nourrice par celui, nouveau au théâtre, de la suivante, alla jusqu'au bout de son innovation en faisant de la suivante le principal personnage de sa nouvelle pièce. Pour bien comprendre l'enjeu de la comédie, il faut savoir qu'une suivante n'est pas une servante : si elle peut entretenir des galanteries avec les héros de la pièce, c'est qu'elle est aussi bien née qu'eux, et en outre belle et intelligente ; seulement elle est pauvre, ce qui explique qu'elle soit au service de Daphnis et qu'elle ne soit qu'un jouet, malgré ses propres manœuvres, entre les mains des galants qui ne s'intéressent qu'à sa maîtresse. Par là, cette comédie cruelle démonte sans complaisance les mécanismes de la riche société du XVIIe siècle, dont les seuls moteurs semblent avoir été l'ambition et l'amour-propre, eux-mêmes déterminés par l'argent. Nous sommes loin du paradis pastoral urbanisé sur lequel s'ouvrait la série des comédies et auquel renvoyait encore la comédie précédente : la pièce se termine certes par l'annonce de deux mariages, mais l'un des deux est celui d'un vieillard avec une jeune fille, résultat d'un marchandage qui permet d'unir le couple central, Florame et Daphnis, mais qui, comme le prophétise la malheureuse Amarante à la fin, rendra certainement malheureux et le vieillard et la jeune fille. En même temps, Corneille s'est abstenu d'unir Théante et Amarante, comme on aurait pu l'attendre non seulement d'une pastorale, mais de n'importe quelle comédie : Théante, quoique Amarante ne lui déplaise pas, préfère s'exiler plutôt que de se retrouver dans une situation sociale moins éclatante que celle de son ami Florame ; s'il épouse quelqu'un désormais, ce ne peut être que pour accéder à un rang qui le placera au-dessus de Florame. Avec cette comédie amère, où, pour la première fois, il se conformait rigoureusement à la règle de l'unité de temps, Corneille poussa le réalisme social à un degré qui ne fut plus jamais atteint par les dramaturges de sa génération.

La pièce fut jouée durant la saison théâtrale 1633-1634, étant la quatrième de la série des comédies galantes qui ont ouvert la carrière de Corneille. 

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