lunes, 29 de febrero de 2016

Suréna ou les amants sacrifiés



La princesse Eurydice, fille du roi d'Arménie, doit épouser demain le prince Pacorus, fils du roi d'Orode, roi des Parthes. Ce mariage est le fruit d'un traité mettant fin à la guerre avec les Romains -qui ont pour une fois subi une défaite- et scelle l'amitié des deux rois. La princesse Eurydice se prépare sans joie à ce mariage car elle aime secrètement Suréna, un lieutenant du roi Orode, qu'elle a connu lors d'une ambassade avant la guerre et le traité. Cet amour est réciproque bien qu'interdit car Suréna n'est pas de sang royal.

 Le prince Pacorus aime Eurydice et veut en être aimé. Il le dit à Suréna, qui est son ami et son confident. Il craint qu'Eurydice ne réponde pas à son amour. Pacorus était autrefois fiancé à Palmis, soeur de Suréna. Palmis l'aime toujours. Elle est devenue l'amie d'Eurydice et connaît son secret. Le roi d'Orode enfin est jaloux de la gloire de Suréna -il a gagné la guerre contre les Romains- qui lui a permis de retrouver le pouvoir. Suréna (qui n'est pas de sang royal) est plus valeureux que son roi. Le roi en souffre et craint de devoir tuer Suréna s'il ne consent à épouser sa fille. Ce mariage -pense-t-il- le lierait fortement à sa dynastie et diminuerait les possibilités de rébellion. Mais Eurydice est jalouse et interdit à Suréna d'épouser la fille du roi. Suréna obéit à Eurydice. Il choisit d'obéir à son amour plutôt qu'à l'ordre royal.




Il fait d'une femme son maître secret et se condamne à mort. La machine tragique est lancée. Brigitte Jaques-Wajeman *Suréna (extrait) « Mon vrai crime est ma gloire, et non pas mon amour : Je l'ai dit, avec elle il croîtra chaque jour  Plus je les servirai, plus je serai coupable  Et s'ils veulent ma mort, elle est inévitable. Chaque instant que l'hymen pourrait la reculer Ne les attacherait qu'à mieux dissimuler  Qu'à rendre, sous l'appas d'une amitié tranquille, L'attentat plus secret, plus noir et plus facile. Ainsi dans ce grand noeud chercher ma sûreté, C'est inutilement faire une lâcheté, Souiller en vain mon nom, et vouloir qu'on m'impute D'avoir enseveli ma gloire sous ma chute.

 » Suréna ou le deuil du bonheur* Le bonheur est une idée neuve dans l'oeuvre de Corneille, une idée révolutionnaire pour les temps futurs, pour le siècle à venir. Un programme pour le siècle à venir. Et voilà qu'il l'avance comme le prix sans prix de la vie, la cause dernière de toute vie, pour la première et dernière fois dans Suréna, sa dernière pièce. Sommé de songer à la postérité, Suréna s'écrie et cela a valeur de manifeste dans ce monde : Et le moindre moment d'un bonheur souhaité Vaut mieux qu'une si froide et vaine éternité Mais Suréna est une tragédie, car si Corneille plaide pour la cause du bonheur, c'est pour mieux faire apercevoir que rien dans les habitudes subjectives de son temps, rien dans l'ordre politique ne prépare au bonheur. 

Tout prépare au contraire au sacrifice, sacrifice de soi pour le bien général, sacrifice du bien général pour le pouvoir, sacrifice de tout désir naturel à la gloire, à « la vaine éternité ». Il y a parmi les sujets de son siècle, de sa fin de siècle, une grande accoutumance à la douleur, une immense habitude de la tragédie. Je veux qu'un noir chagrin à pas lents me consume Qu'il me fasse à longs traits goûter son amertume, Je veux, sans que la mort ose me secourir, Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir. Dans Suréna, personne ne sait comment obtenir sa part de bonheur, alors que tous le désirent ardemment, en revanche tous connaissent parfaitement les rouages tragiques du sacrifice. Aussi vont-ils sacrifier le bonheur au bonheur, vont-ils construire un tombeau pour le bonheur. Pour préserver le droit au bonheur, ils vont sacrifier la vie et la liberté et grâce à eux, pour la première et dernière fois dans l'oeuvre de Corneille, le bonheur deviendra la cause ultime, impossible, de l'héroïsme. Brigitte Jaques-Wajeman Représentée en fin d'année 1674 Suréna est un échec (qui suit celui de la comédie héroïque Pulchérie en 1672).

 Alors Corneille met fin à son activité d'auteur dramatique et se consacre à l'édition complète de son théâtre (1682). Il vit pauvrement quand ses pièces les plus célèbres sont régulièrement jouées à Versailles, devant Louis XIV. En 1683 il vend sa maison de Rouen. Boileau, qui fut un de ses illustres critiques, demande au Roi de lui verser sa propre pension. Louis XIV fait alors remettre à Corneille, par l'intermédiaire de La Chapelle, parent de Boileau, la somme de 200 Louis. Pierre Corneille meurt, dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1684, dans sa maison rue d'Argenteuil à Paris. Avec: : Bertrand Suarez-Pazos (Suréna), Marie-Armelle Deguy (Eurydice), Laurent Charpentier (Pacorus), Jean-Baptiste Malartre (Orode), Anne Consigny (Palmys),François Regnault (Sillace), Léila Férault

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