En août 1584, le grand
père de Pierre Corneille devient propriétaire de deux logis contigus situés
dans une ruelle donnant sur la Place du Vieux Marché. Ces demeures sont alors
désignées par les qualificatifs de "grande" et de "petite"
maison, et c'est dans la dite "petite" au 17 rue de la Pie,
aujourd'hui le 4, que voit le jour le 6 juin 1606, l'auteur du Cid, alors que
son frère Thomas voit le jour dans la "grande", de même que leur
soeur Marthe, mère d'un autre rouennais célèbre, Fontenelle.
A la mort de leur père
en 1639, Pierre et Thomas héritent de leurs maisons natales respectives.
Voisins, et qui plus est, mariés à deux soeurs, les frères Corneille sont très
proches tout au long de leur vie. C'est ensemble qu'ils quittent la rue Pie
pour s'établir définitivement à Paris en 1662. Pierre Corneille ne se sépare
pas pour autant de sa maison natale, il ne le fera que bien plus tard, un an
avant sa mort. Pendant cinquante-six années consécutives, il vit dans cette
maison de famille où il devient lui-même père de nombreux enfants. La vie
rouennaise du célèbre dramaturge se partage alors entre sa profession d'avocat
qu'il exerce au Parlement, et sa maison de la rue de la Pie, foyer domestique
et lieu d'écriture où il compose une partie de son oeuvre. C'est à Rouen qu'il
compose ses premières oeuvres, des comédies telles que "Melite" 1630,
"La galerie du Palais" 1633, "l'illusion comique" 1636.
Ville natale, puis lieu de vie de Corneille, Rouen reste cependant absente de
ses écrits. La dramaturgie classique, réclame en effet des cités antiques,
scènes mythiques où Horace, Cinna, Nicomède pour ne nommer qu'eux, sont
fatalement confrontés au choix cornélien du devoir et du sentiment.
Depuis sa vente en 1683
et jusqu'au XX ème siècle, la maison connaît toutes sortes d'avatars. Elle
manque d'être rasée au siècle des Lumières, afin de permettre la construction
d'un nouvel Hôtel de Ville, fin dont elle réchappe grâce à l'abandon du projet
jugé trop onéreux. Au début du XIXème siècle, un serrurier l'achète à la mairie
et en fait son atelier. L'artisan entreprend des restaurations importantes mais
avant que le plâtre ne recouvre la façade typiquement normande, son fils, par
un heureux hasard, élève à l'Ecole des Beaux Arts de Rouen, en fixe par le
dessin, l'aspect extérieur. Initiative judicieuse, car des travaux d'urbanisme
bouleversent la physionomie de la maison sous le Second Empire et la façade est
démolie puis reconstruite deux mètres en arrière afin d'élargir la rue.
Par la suite, le lieu
demeure longtemps un débit de boisson. L'année 1906 et ses festivités
commémoratives en l'honneur du tricentenaire de la naissance du poète, sont
l'occasion d'une prise de conscience de la valeur patrimoniale du lieu. Un comité se forme dans le but de réunir des
fonds, son activité aboutit en 1912, date à laquelle la maison est remise à la
Ville de manière à être restaurée 'entres autres en lui restituant sa façade)
et d'y installer un musée cornélien. Enrichi en 1917 par le don de la précieuse
collection d'Edouard Pelay, le musée
cornélien est inauguré en 1921. Ce rouennais bibliophile, féru de Corneille, a
réuni pendant près de soixante ans, des éditions originales, des traductions,
des livres rares mais également des gravures, estampes et autres documents se
rapportant tous au célèbre auteur et à sa famille. Le Musée dispose également d'un petit
secrétaire authentique, ce cabinet cache dans ses tiroirs l'écriture de
Corneille, petits mots d'encre qui dévoilent l'identité du propriétaire par l'allusion
au "Cid". Derrière un mécanisme ingénieux, des boîtes révèlent aussi
le caractère de l'homme, qui s'avère prévoyant si l'on en croit la boîte nommée
" trésor de réserve" et consciencieux autant qu'organisé dans le
travail, comme le montre les suivantes "à retoucher" et "mes
notes".
En somme, il reste
aujourd'hui de la "petite" maison de Corneille, l'atmosphère d'une
demeure de l'époque, meublée dans le style Louis XIII, évoquant bien l'esprit
de l'ancien maître des lieux, l'itinéraire racontant Corneille à travers les
siècles, permet au visiteur qui parcourt ces pièces, d'imaginer aisément le
quotidien de ce virtuose du vers, figure majeure du classissisme français.
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