martes, 26 de abril de 2016

Pulcherie


‘’Pulchérie’’
(1672)

Comédie héroïque en cinq actes

L'empereur Théodose étant mort, Pulchérie, qui est destinée à monter sur le trône, veut pour époux Léon, un jeune Romain qu'elle aime et dont elle est aimée. Le sénat se garde d'approuver un tel projet, car il juge Léon incapable de remplir les devoirs qui lui incomberaient. Toutefois Martian, un vieux ministre de la Cour qui aime la princesse, mais que son âge oblige à dissimuler ses sentiments, se montre favorable au choix de la future impératrice. Le sénat investit la souveraine de ses nouvelles fonctions et la met en demeure de donner au peuple romain un empereur qui soit digne de lui. « Je suis impératrice et j'étais Pulchérie », dit la princesse, résolue à sacrifier son amour pour Léon ; elle offre l'empire au noble et généreux Martian. Léon épouse la propre fille de Martian, qui était éprise de lui, et il est élevé au rang de Premier ministre.

Commentaire


Dans la Préface de ‘’Pulchérie’’ son avant-dernière pièce, Corneille écrivit que, bien qu'elle ait été jouée par des acteurs peu estimés (elle n'avait été acceptée ni par l'Hôtel de Bourgogne ni par Molière et fut créée à Paris en 1672 sur la scène du théâtre du Marais), «bien que ses caractères soient contre le goût du temps, elle n'a pas laissé de peupler le désert, de mettre en crédit des acteurs dont on ne connaissait pas le mérite, et de faire voir qu'on n'a pas toujours besoin de s'assujettir aux entêtements du siècle pour se faire écouter sur la scène». La stratégie antiracinienne ne pouvait être plus clairement affirmée. En choisissant un sujet dans lequel l'héroïne était une impératrice passée à la postérité pour une sagesse et une dévotion dont sa virginité était devenue le symbole, dans lequel les tendresses du cœur sont étouffées par les nécessités d'un amour tout politique et platonique, dans lequel enfin le seul véritable frémissement amoureux (et contenu) est celui que ressent un vieillard, Corneille savait qu'il s'adressait au public de la vieille génération, à même d'être ému par des amours sages et politiques. Un public réduit, qui pouvait faire un succès, mais n'assurait plus de triomphe, à la différence de la masse de ceux qui couraient pleurer au spectacle des passions fatales des héros raciniens. N'en doutons pas : comme beaucoup d'autres pièces de Corneille, ‘’Pulchérie’’ a été conçue comme un défi et une gageure. Mais pour un homme qui avait déjà exploré toutes les voies offertes à son sens de l'innovation, la marge était bien étroite. À la considérer ainsi comme un cas limite, la pièce peut être considérée comme une réussite en son genre.

La place royale




“La Place royale ou L’amoureux extravagant ”
(1634)

Comédie en cinq actes et en vers

Alidor aime Angélique et celle-ci le paie de retour, au grand regret de Phylis qui voudrait lui faire épouser son frère Doraste. Mais Alidor avoue à son ami, Cléandre, qu'il est effrayé à la pensée de se lier pour la vie. En vue d'éviter le mariage, il imagine de lui céder Angélique ; il s'arrange donc pour faire croire à sa fiancée qu'il lui est infidèle, la pousse à bout par ses impertinences, se fait volontairement congédier. Mais là-dessus il apprend que, grâce à Phylis, c'est Doraste qui est en passe de profiter de la situation pour épouser Angélique ! Ce n'est pas là son fait : il entend que les choses se passent comme il l'avait décidé et qu'elle épouse Cléandre. Il dresse donc de nouvelles batteries, va trouver Angélique et se montre cette fois si persuasif et si charmeur qu 'elle lui accorde, sans trop de peine, un rendez-vous pour minuit. à l'issue du bal que donnera chez elle Doraste. Il compte ainsi l'enlever, mais au profit de Cléandre. Quand elle paraît au rendez-vous nocturne. il lui remet une promesse de mariage qu'elle va déposer dans sa chambre pour rassurer ses parents. avant de revenir pour suivre le ravisseur. Mais. dans l'intervalle, Phylis, inquiète de son amie, sort aussi sur la place et c'est elle que Cléandre, impatient et trompé par l'obscurité, enlève ! Au dénouement, ils acceptent tous deux de profiter de la rencontre et s'épousent. Cependant, la pauvre Angélique découvre que la promesse de mariage était signée de Cléandre et qu'elle a été jouée par Alidor, qui l'aime encore et voudrait le lui dire ; elle le chasse avec horreur et va s'enfermer dans un couvent, tandis qu'Alidor s'applaudit plus que jamais de ne la céder à personne et de rester libre.

Commentaire

Cette pièce, la sixième du théâtre de Corneille, créée au théâtre du Marais entre août 1633 et mars 1634, se plaçait au terme du cycle de ses comédies de jeunesse et précédait ses débuts dans le genre tragique. L'intrigue est la plus éloignée des schémas pastoraux sur lesquels étaient construites les quatre premières comédies. Si elle  constitue cependant une nouvelle variation sur le thème de l'éblouissement amoureux des bergers, elle se clôt sur un étonnant refus du bonheur pastoral.
Cette comédie renferme trois personnages originaux.
D'abord Phylis, enjouée, frivole, qui se plaît à traîner après elle de nombreux adorateurs et à les rendre jaloux l'un de l'autre, quitte à épouser joyeusement celui que le hasard des événements aura conduit jusqu'au mariage.
En face d'elle, Angélique est au contraire une pathétique figure d'amoureuse : en dehors d'Alidor, rien n'existe pour elle. Aussi la trahison de ce dernier la laisse-t-elle désemparée ; si elle consent à se promettre à Doraste, c'est surtout grâce à l'habileté de Phylis qui sait à l'instant profiter de son désespoir; mais à peine Alidor reparaît-il qu'elle se rend à ses belles paroles et consent à l'enlèvement. Sa nouvelle tromperie est pour elle le dernier coup : elle sent qu'il est indigne d'elle, mais elle se voit elle-même indigne de Doraste qu'elle a trahi : le cloître sera son refuge.
Le personnage le plus singulier est celui d'Alidor : «amoureux» puisqu'il aime sincèrement Angélique, «extravagant» puisqu'il veut se dégager de cet amour partagé, afin de sauvegarder un bien qui lui semble plus précieux encore : son indépendance morale. Il accepterait d'aimer si cet amour était le fruit d'un libre choix. Angélique étant «trop belle», il se voît «dominé» par elle, esclavage qu'il juge déshonorant. C'est pourquoi il s'en détache, avec trop de brutalité d'ailleurs. Mais c'est l'indice de ses tourments, de la situation fausse dans laquelle il se trouve. Car, à peine séparé de sa maîtresse, il lui revient : il entend encore la dominer, ne la céder qu'à un rival de son choix. C'est pour ce rival, pense-t-il, qu'il la reconquiert : est-ce absolument sûr? Du moins son cœur bat-il bien fort au moment de cette reconquête... Au dernier instant n'a-t-il pas encore vers elle un grand élan de tendresse passionnée? C'est le dernier feu : puisque Angélique est à Dieu, et à Dieu seul, il peut se raffermir une fois de plus à la pensée de son triomphe : il est libre, il a fait ce qu'il a voulu... Cet amoureux extravagant, chez qui les déchirures du cœur se font plus profondes du fait de sa malheureuse volonté, est le premier héros volontaire du théâtre cornélien.
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Distingué par Richelieu, Corneille reçut une pension et entra dans «la société des cinq auteurs» qui, pour illustrer la scène française, travaillaient sous les ordres du cardinal qui proposait les sujets. Ainsi, il participa à l’écriture de “La comédie des Tuileries”. Il publia alors sa première tragédie 



“La suivante”
(1633)

Comédie en cinq actes et en vers

Théante, l'ami d'Amarante. une suivante, aspire à l'amour de la maîtresse de celle-ci, Daphnis. Aussi, à la fois pour se débarrasser de la donzelle et pour occuper un éventuel rival, tente-t-il de rapprocher Florame et Amarante. Mais, si Florame assiège fort galamment la suivante, il n'en perd pas pour autant de vue Daphnis qui, depuis qu'il fréquente Amarante, lui est devenue plus accessible. Les joutes amoureuses qui se succèdent entre Amarante et ses deux feints courtisans, Florame et Théante, se compliquent encore de la passion sénile qu'éprouve Géraste, père de Daphnis, pour la sœur de Florame. Cette passion devient l'objet d'un marchandage, qui n'intervient pas peu dans la victoire de Florame, encore que Daphnis n'ait jamais aimé que lui. Tout s'arrange le mieux du monde, sauf pour la malheureuse suivante, abandonnée de tous ses galants, et qui soupire dans le monologue qui conclut la pièce :       
                   «Mon cœur n'a point d'espoir dont je ne sois séduite.
                   Si je prends quelque peine, un autre en a les fruits ;
                   Et, dans le triste état où le ciel m'a réduite,
                   Je ne sens que douleurs, et ne prévois qu'ennuis.»

Commentaire

Corneille, qui avait innové dans ‘’La galerie du palais’’ en remplaçant le traditionnel personnage de la nourrice par celui, nouveau au théâtre, de la suivante, alla jusqu'au bout de son innovation en faisant de la suivante le principal personnage de sa nouvelle pièce. Pour bien comprendre l'enjeu de la comédie, il faut savoir qu'une suivante n'est pas une servante : si elle peut entretenir des galanteries avec les héros de la pièce, c'est qu'elle est aussi bien née qu'eux, et en outre belle et intelligente ; seulement elle est pauvre, ce qui explique qu'elle soit au service de Daphnis et qu'elle ne soit qu'un jouet, malgré ses propres manœuvres, entre les mains des galants qui ne s'intéressent qu'à sa maîtresse. Par là, cette comédie cruelle démonte sans complaisance les mécanismes de la riche société du XVIIe siècle, dont les seuls moteurs semblent avoir été l'ambition et l'amour-propre, eux-mêmes déterminés par l'argent. Nous sommes loin du paradis pastoral urbanisé sur lequel s'ouvrait la série des comédies et auquel renvoyait encore la comédie précédente : la pièce se termine certes par l'annonce de deux mariages, mais l'un des deux est celui d'un vieillard avec une jeune fille, résultat d'un marchandage qui permet d'unir le couple central, Florame et Daphnis, mais qui, comme le prophétise la malheureuse Amarante à la fin, rendra certainement malheureux et le vieillard et la jeune fille. En même temps, Corneille s'est abstenu d'unir Théante et Amarante, comme on aurait pu l'attendre non seulement d'une pastorale, mais de n'importe quelle comédie : Théante, quoique Amarante ne lui déplaise pas, préfère s'exiler plutôt que de se retrouver dans une situation sociale moins éclatante que celle de son ami Florame ; s'il épouse quelqu'un désormais, ce ne peut être que pour accéder à un rang qui le placera au-dessus de Florame. Avec cette comédie amère, où, pour la première fois, il se conformait rigoureusement à la règle de l'unité de temps, Corneille poussa le réalisme social à un degré qui ne fut plus jamais atteint par les dramaturges de sa génération.

La pièce fut jouée durant la saison théâtrale 1633-1634, étant la quatrième de la série des comédies galantes qui ont ouvert la carrière de Corneille. 

La galerie du palais



La galerie du palais ou L’amie rivale ”
(1632)

Comédie en cinq actes et en vers

À Paris, la volage Célidée se sépare de Lysandre, tout à la fois fatiguée par sa constance et désireuse d'éprouver son amour pour la reconquérir. Il décide de feindre d'aimer Hippolyte, voisine de Célidée, dont son ami Dorimant vient de tomber amoureux. De là une série de malentendus et de peines de cœur : Hippolyte, amoureuse de Lysandre, se laisse prendre au jeu avant d'être repoussée ; Célidée, désespérée d'avoir poussé son amant dans les bras d'une autre, n'obtient même pas d'être consolée par Dorimant ; et les deux garçons en viennent au duel, interrompu in extremis par Célidée, qui venait d'être informée de la feinte de son amant.

Commentaire

Avec cette troisième comédie, Corneille confirma sa volonté d'établir solidement dans le paysage théâtral de l'époque, dominé par le genre de la tragi-comédie, un nouveau type de comédie, qui tournait le dos à la traditionnelle comédie d'intrigue à l'italienne en empruntant à la pastorale son schéma de relations entre les jeunes amoureux, donnant ainsi la première place aux dialogues amoureux, aux trahisons du cœur et aux émotions sentimentales. Dans ces comédies, expliqua-t-il en 1660, «j'ai presque toujours établi deux amants en bonne intelligence, je les ai brouillés ensemble par quelque fourbe, et les ai réunis par l'éclaircissement de cette même fourbe qui les séparait.»
La variation qu'apporta ‘’La galerie du palais’’ par rapport à ‘’Mélite’’ tenait au fait que ce n'est pas une fourbe qui sépare les amants. Subtilité des complications amoureuses, émois du cœur, délicatesse de l'expression, c’est sans doute la plus jolie des quatre comédies qui précèdent ‘’La Place royale’’. Elle possède en outre une importance historique considérable, comme l'indique son titre : Corneille, soucieux de mettre les jeux amoureux de la pastorale à l'épreuve de la vie urbaine, et donc de se détacher et du cadre et du langage conventionnels du genre pastoral, a voulu souligner le caractère «réaliste» de cette nouvelle forme de comédie qu'il était en train d'inventer. Il alla donc plus loin que dans ‘’Mélite’’ et ‘’La veuve’’, où cette quête de réalisme n'était sensible que dans le style de la conversation et dans le vocabulaire, en enracinant sa comédie dans Paris. Ainsi l'action ne se déroule plus dans un carrefour abstrait : l'essentiel est situé précisément dans le quartier du Marais, et plusieurs scènes se déroulent dans la galerie du Palais de justice, qui abritait toutes sortes de boutiques ; d'où l'apparition d'un libraire, d'un mercier et d'une lingère devant leurs étals, qui conversent avec les héros.
La pièce fut créée durant la saison théâtrale 1632-1633. Ce fut, des premières comédies de Corneille, celle qui eut le plus de succès.

Après une longue période d'oubli, qu'elle a partagé avec les autres comédies de Corneille, elle a retrouvé à la fin du XXe siècle des lecteurs et des spectateurs, émerveillés de découvrir un autre Corneille, non seulement inventeur d'une forme spécifiquement française de comédie, mais aussi styliste tout en simplicité et en délicatesse. 

La veuve



La veuve ou Le traître trahi”
(1631)

Comédie en cinq actes et en vers


Clarice, jeune veuve, riche et bien née, est courtisée par un amoureux peu fortuné, Philiste, dont la timidité est accrue par la différence de condition entre eux. Ils finissent par s'avouer leur amour réciproque au milieu du second acte, et il n'y aurait aucun obstacle matériel à leur mariage (une veuve est par définition libre et n'a personne à consulter pour se remarier) si un rival secret, Alcidon, qui feint d'aimer la sœur de Philiste, Doris, ne décidait d'empêcher ce mariage en enlevant Clarice, avec la complicité de la nourrice de celle-ci. Pour ce faire, Alcidon se fait aider par Célidan, amoureux de Doris, mais qui s'était effacé devant lui par amitié, en lui faisant croire que, devant le refus de Philiste de lui donner sa sœur, Doris, il faut enlever Clarice et l'échanger contre la main de Doris. Célidan tombe dans le piège, aide Alcidon à enlever Clarice et à la séquestrer dans son propre château. Mais à voir Alcidon décidé à épouser Clarice sous le prétexte de se venger de Philiste, et à lui céder sa place auprès de Doris, Célidan comprend qu'Alcidon a trahi tout le monde. Il le trompe à son tour, libère Clarice, et demande la main de Doris. La mére de celle-ci, dont les combinaisons matrimoniales intéressées avaient failli compromettre le bonheur de la jeune fille, ne s'oppose pas à cet amant riche, qui rendra sa «dernière vieillesse à jamais fortunée».

Clitandre


Clitandre ou l'Innocence délivrée ”
(1630)

Tragi-comédie en cinq actes et en vers

Aimées l'une de Clitandre, l'autre de Pymante, les princesses Caliste et Dorise sont toutes deux éprises de Rosidor. Celui-ci rend à Caliste son amour, au grand dépit de Dorise qui, pour perdre sa rivale, l'entraîne dans la forêt, où elle médite de lui donner la mort. Pymante cependant, qui hait Rosidor, a chargé les domestiques de Clitandre d'assassiner son trop heureux rival. Rosidor, poursuivi dans la forêt par Pymante déguisé et ses complices, trouve Dorise qui s'apprête à plonger une épée dans le sein de Caliste. Se saisissant de l'épée, il tue un de ses agresseurs et met Pymante en déroute ; puis, plein de rage contre Clitandre, qu'il croit l'auteur de l'agression, il rentre avec Caliste au palais. Dorise, de son côté, s'est enfuie et, n'osant retourner à la Cour, revêt les vêtements du mort ; déguisée, elle erre dans les bois où elle rencontre Pymante qui la reconnaît, et dont elle repousse les assauts en l'éborgnant. Cependant, soupçonné d'avoir voulu tuer Rosidor, Clitandre, que tout semble accuser, est condamné à mort. En accourant au secours de son favori, Clitandre, le prince, fils du roi, s'égare dans la forêt et sauve Dorise de la colère de Pymante. Dorise, s'étant fait reconnaître, lui dévoile la vérité ; et le prince, après avoir fait emprisonner Pymante, fait éclater l'innocence de Clitandre. Rosidor épousera Caliste, et Clitandre Dorise pardonnée.

Autres auvres de Corneille....